Excursions Djoudj


Sur la route de Dagana, juste après le pont qui enjambe le cours d’eau Taouey à Richard-Toll, en face du quartier de Gaya-Diamaguène, un panorama de verdure se détache, comme un oasis, dans cette région semi-désertique. D’ici, difficile de soupçonner que derrière cette végétation touffue, se dresse un vaste bâtiment à étages à la peinture d’un jaune défraîchi construit au milieu d’un parc. Pour le contempler dans toute sa splendeur, il faut s’engager dans une allée ombragée tapissée de feuilles mortes et bordée de part et d’autre de grands arbres. Ici, aucune pollution sonore humaine.
Seuls le gazouillis des oiseaux et le souffle du vent caressant les feuilles d’arbres viennent déchirer, par moment, le silence qui règne en ces lieux. Au bout de cette promenade, apparaît, majestueuse, cette bâtisse coloniale charmante par sa stature et par sa noblesse. Son style sobre et élégant est à l’image des châteaux appelés « folies » construits à partir du 18ème siècle en Europe: on est dans le domaine du Baron Jacques-François Roger.
C’est dans cet écrin de verdure, ceinturé à l’époque par des plans d’eau, que le premier gouverneur civil du Sénégal (1822-1827) dont le nom et celui de son jardinier, Richard, qui donna son nom à la ville (Richard Toll signifiant « Les champs de Richard » en Wolof) et qui fut associé à la politique de mise en valeur agricole du Walo, où le Baron Roger venait passer ses weekends. Une sorte de résidence secondaire pas très loin de Saint-Louis, la capitale de l’époque.
Après le Baron Roger, la « Folie » et ses petites pièces, ses salons, ses recoins, ses boudoirs, ses alcôves, ont servi de lieu de repos à un autre célèbre gouverneur, Louis Faidherbe, avant d’être transformé en monastère, puis en école.
Le Baron Roger a également à son actif la construction de l’église de Gorée ainsi que de la cathédrale de Saint-Louis. « La folie désigne une maison de plaisance que se faisaient construire les aristocrates généralement en périphérie des villes. Elle répondait dans sa destination et dans sa conception à un caprice de courtisan, qui se faisait un jeu de bâtir l’une de ces maisons dans un laps de temps très court, comme par une sorte de défi de l’argent au temps.
C’est une maison de villégiature ou de réception », explique Amadou Bakhaw Diaw, historien traditionnaliste. Plus qu’une folie des grandeurs, ce serait surtout pour les beaux yeux d’une femme dont il s’était épris et qu’il épousera, Yacine Yérim Diaw, fille du Diogomaye Ndiack Arame Kélar Diaw, que le Baron Roger aurait engagé la construction de ce château sur les berges de la Taouey.
Toutes les fins de semaines donc, il venait retrouver cette femme qui lui avait tourné la tête. De cette union, naquit une enfant, Marie Roger, laquelle compte actuellement beaucoup de descendants à Richard-Toll et à Rufisque, poursuit M. Diaw.
Un château en péril
Aujourd’hui, de cette maison de villégiature aux murs hauts décrépis et aux larges fenêtres en forme d’arche et aux volets en bois miteux, témoin des amours entre un colonialiste et une fille du terroir, des moments de fastes et de réunions galantes, il n’en reste que les reliques et le souvenir d’un empire déchu. Le château, classé au patrimoine historique du Sénégal, se réduit aujourd’hui à ses propres murs et est squatté par des sans domicile fixe.
Construit au milieu des années 1820, cet édifice est aujourd’hui fortement gagné par l’usure du temps. Son état de décrépitude avancé appelle des mesures d’urgence pour sa réhabilitation. C’est le combat que mène depuis des années Amadou Bakhaw Diaw.« Il faut sauver cette bâtisse dont la valeur historique est inestimable », implore-t-il. Mais avant cela, il faudra bien déterminer sous quelle tutelle administrative ce château se trouve. L’espace dans lequel il se trouve est devenu une forêt classée, donc sous la coupole de la Direction des Eaux et Forêts, mais en tant que patrimoine historique classé, il dépend aussi de la Direction du Patrimoine culturel.
Un flou qui gêne donc toute action en faveur de la réhabilitation de ce patrimoine que l’historien traditionnaliste rêve de voir transformé en musée culturel et botanique. Ce qui permettrait sans doute d’attirer davantage de visiteurs car le site en accueille très peu pour le moment. « Une fois réhabilité, La folie du baron Roger pourrait abriter un musée culturel et botanique dédié à l’histoire du Walo, à l’histoire de la présence française au Sénégal et surtout à son expérience agricole », plaide-t-il

 

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